Quand Élise et moi nous nous sommes rencontrés, elle ne savait pas que j’étais peintre, mais surtout elle ne savait pas non plus qu’elle était peintre. Ayant grandi au Congo, et arrivée en Europe à 22 ans, son parcours l’a conduit d’un pensionnat de sœurs catholiques au milieu de la mode pour arriver à l’aide aux personnes âgées, sans avoir l’occasion de rentrer dans un musée ou de visiter une exposition de peintures. Influences artistiques reçues : aucune.
Aussi, quand lors de nos premières vacances à deux, je lui ai proposé de peindre avec moi, elle s’est d’abord récriée : je ne sais pas dessiner, je n’y connais rien en peinture. Mais nous étions en vacances, il n’y avait pas de témoins, pourquoi pas essayer ? Je lui montre quelques techniques et elle se lance. Tout de suite, le plaisir de manipuler des couleurs, de produire des formes libres, sans se demander : c’est bien ? C’est beau ? On peut faire comme ça ?
Élise ne se pose pas de questions, elle fait, vite, avec fermeté, sans hésitation. Elle fait, elle défait, elle refait. L’été suivant, en mon absence, elle investit mon atelier chaque soir après sa journée de travail, et produit une série de peintures que je découvre avec stupéfaction en revenant de stage.
Je peins depuis plus de quarante ans, et elle depuis sept ans. J’aime 95% de ses peintures, et elle 100%. Ce qui nous donne des occasions de nous disputer sur les 5% que je conteste. Et cela ajoute du piment au bonheur que j’ai à découvrir jour après jour l’éclosion incessante de ses nouvelles peintures, me donne envie de partager cette vitalité qu’elles montrent, qui fait tant de bien, et ne ressemble à rien de connu.
En exposant avec elle, j’ai l’impression d’être un privilégié. À la chance de vivre ma vie autour de la peinture, j’ajoute celle d’avoir appris à Élise ce que personne n’avait su remarquer jusque-là : qu’elle était une artiste. Elle n’avait pas prévu de l’être, c’est arrivé un peu par ma faute, et ce n’est pas ce que j’ai fait de pire dans ma vie de peintre.
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L'exposition de peintures de janvier 2022 à l'Espace Beaujon est terminée,
mais il en reste des traces :
Aperçus de l'exposition à l'Espace Beaujon, 4 au 21 janvier 2022