Amer requis

Dans le jardin d’un centre d’art non loin du Père Lachaise à Paris, l’artiste Amer Requis a amassé un certain nombre de vieux objets encombrants pour composer non pas une installation, mais une « nature morte ».

L’usure  et la déglingue des objets se conjuguent mélancoliquement à leur géométrie impavide, à l’éclat obstiné de leurs couleurs, à leur intrication dans la végétation aussi désolée qu’eux. Ces choses sans valeur, sorties neuves un jour pas si lointain d’installations industrielles performantes, elles sont là maintenant, elles ne servent plus à rien ou si peu, mais elles persistent à exister. Cette installation, pardon cette nature morte, est organisée selon des plans secrets que rien ne laisse deviner, pour figurer l’image parfaite de la précarité humide et grise sous le fard des colorants industriels. « Que d’efforts pour produire, pour jeter, pour récupérer, pour jeter encore. 35 heures par semaine n’y suffisent pas », semble nous dire l’artiste. Avant sa destruction programmée, cette composition a été enregistrée numériquement en 3D pour se voir reconstituée en pâte à modeler à l’échelle 1 par des techniciens de la Fondation Veeska. Elle a aussi fait l’objet de diverses interprétations libres en peinture sur papier : ci-dessous, peinture d'Isabelle Bisson.

Quoiqu’il arrive,  et c’est la leçon de cette expérience qui revendique son caractère austère, il ne faut jamais renoncer. On ne sait pas à quoi, mais on ne renonce pas. Le monde est plein de réalisations absurdes et nuisibles  qui mobilisent autant d’énergie et de compétences que les actions utiles et agréables, et représenter cela sous une forme artistique est un vrai défi. Surtout quand tout est inventé pour éviter de se fatiguer ou de déranger.

[Ci-dessous, action non artistique mais non sans impact sur le paysage et les personnes présentes]