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Les Petits Frères des Riches

13 Septembre 2022, 09:20 Ecriture Le sens de la vie (expliqué aux futurs morts) Politiquement naïf

 

 

Pour faire le point sur les avantages du capitalisme, mais aussi sur ses points noirs.



De quoi a besoin l’homme en premier ? De manger ? Non ! D’argent pour acheter à manger. Et le capitalisme l’a bien compris, qui permet de nourrir le monde, je veux dire le monde des multinationales de l’agro-alimentaire, dont l’argent ruisselle ensuite dans toute la société ou presque, c’est prouvé. Savez-vous qu’avant la naissance du capitalisme, la nature faisait une concurrence déloyale à l’agro-industrie, en produisant des semences gratuites et qui se reproduisent toutes seules, alors qu’on peut faire des semences payantes qui ne se reproduisent pas, et donc qu’il faut racheter chaque année. Le capitalisme a enfin mis un terme à ce non-sens économique.

 

En France et dans les pays développés, les paysans peuvent, depuis que c’est le progrès, s’endetter pour acquérir de magnifiques machines agricoles qui font rêver les enfants, des belles machines rouges, vertes ou jaunes qui, simplement grâce à leur poids, éradiquent les vers de terre, fourmis, mille-pattes, cloportes, bactéries, champignons, tous ces trucs un peu dégoûtant qui travaillent gratuitement la terre et de ce fait, restent tragiquement hors bilan comptable. Une fois éliminée toute trace de vie naturelle (et non déclarée !) on a enfin la place pour des intrants qui, eux, permettent de distribuer non seulement des salades assaisonnées aux pesticides, mais des dividendes à tous ceux qui ont courageusement investi dans l’industrie chimique. Certes, il faut accepter un niveau de suicides et de cancers chez les exploités, pardon, exploitants agricoles, mais pourquoi toujours voir le négatif ? Ce problème de décès prématurés contribue aussi à l’équilibre de nos caisses de retraite.

 

Et dans les pays en voie de développement ? Là-bas, avant le progrès, les habitants vivaient pauvrement d’une agriculture vivrière tout en restant au village sans avoir accès à Netflix. Grâce aux aides des pays occidentaux, de nombreux Etats d’Afrique ont pu s’endetter pour éradiquer la pauvreté à la campagne et développer la misère en ville. La misère ? Oui, mais, avec des téléphones portables, ce qui est un premier pas vers la modernité. Et en retour, ces pays en voie de développement ont pu développer l’achat de jets privés, de voitures de luxe, etc. pour leurs dirigeants, développer aussi l’acquisition d’armes pour se protéger de leur population, ce qui a encouragé en retour nos industries de la finance, du luxe, de l’armement… Gagnant gagnant. 

 

Le capitalisme sait discerner le côté positif en tout. Soit un accident de la route. Oui, c’est triste, la mort, la souffrance, le deuil, les handicaps…  D’accord. Mais pensez à tous les emplois créés, dans les assurances, dans la santé, dans l’industrie automobile, dans l’industrie funéraire. Arrêtez de vous plaindre !


Autre cas de figure : des enfants meurent de faim quelque part, ce n’est pas si grave qu’on veut bien le dire. Soyons réalistes, ce ne sont pas des consommateurs qui meurent, et donc le marché des biens et des services n’en souffre pas. Et, cerise sur le gâteau, ça fait aussi moins d’immigrés illégaux qui débarquent sur nos côtes.


On dit souvent que la nature fait bien les choses. Mais le capitalisme aussi. Dans certains pays, il y a beaucoup de piscines. Dans d’autres, il y a pénurie d’eau potable. Preuve que la loi du marché est équitable. L’eau des piscines n’est pas potable de toute façon, donc ça ne prive personne. En plus, si tous les immigrés avaient appris à nager dans des piscines, ils se noieraient moins souvent et cela encombrerait nos centres de rétention. Qui a intérêt à ça ?


Dans une économie libérale idéale, il faut que les emplois soient précaires si on veut des placements sûrs. Il est parfois nécessaire de mettre des gens au chômage pour que l’argent travaille mieux. Il faut accepter la flexibilité dans le travail, parce que le capital, lui, est inflexible.

 
Il faut travailler plus pour gagner plus. Fabriquer plus de hamburgers, en manger plus. Fabriquer plus de casquettes. En porter plus. Fabriquer plus de médicaments, plus de malades. Quand on pense à cette folie des 35h en France ! Vous croyez qu’on arriverait à déforester l’Amazonie en bossant 35 heures par semaine ?


Prenons modèle sur la sagesse des Anciens. Dans l’Antiquité, on pouvait devenir esclave pour sortir d’une dette impossible à rembourser. On s’exposait au marché aux esclaves en annonçant un prix autour du cou. Un acquéreur se présentait, et la dette était remboursée au prix d’une vie d’esclavage. En Grande Bretagne ou aux États-Unis, les étudiants peuvent s’endetter de plusieurs dizaines de milliers de livres ou dollars pour financer leurs études. Après 3 ou 5 ans de formation, ils se présentent sur le marché aux esclaves, pardon, sur le marché du travail, et un acquéreur, pardon, un employeur, se présente éventuellement pour leur permettre de rembourser leur dette en se postant derrière un ordinateur pour spéculer sans compter leur temps sur les matières premières ou autres tâches essentielles. Le capitalisme est agile !

 

Ras-le-bol du « droit-de-l’hommisme ». Ou alors, n’ayons pas peur de revendiquer les droits de l’Homme Riche et en Bonne Santé qui n’a pas envie de se faire emmerder par les gens qui ne sont rien.


Un manœuvre sibérien, un paysan brésilien, une caissière française, un artisan malien sont tenus d’obéir aux mêmes lois économiques qu’un banquier de Manhattan, avec des droits et des devoirs égaux.


« Il n’y a pas de société, il n’y a que des individus », disait Thatcher. Précisons sa pensée : les individus, ce sont soit des ressources humaines, soit des clients, point final. 


Le capitalisme a de plusieurs manières démontré sa supériorité sur le communisme. Le communisme déportait aux frais de l’Etat, des populations dans des camps de travail. Dans le capitalisme, les populations, par les voies de l’émigration, se déportent elles-mêmes à leurs frais, pour se rendre là où elles pourront se faire exploiter. C’est pas mieux pensé ?


Les communistes, pour exclure une partie de la population qui n’avait rien à faire dans le système, construisaient des goulags. Alors qu’en système capitaliste, les exclus se passent de camps et de barbelés, ils sont autoentrepreneurs de leur exclusion en quelque sorte : un bout de carton, un dessous de pont, et roule ma poule.

 

Et puis, on parle trop des Sans Domicile Fixe. Que fait-on pour tous ces gens qui n’ont pas de garage pour leur voiture ?


Un peu d’Histoire : l’Ancien Régime exemptait d’impôt les nobles et le clergé. Les régimes communistes avaient les quartiers réservés pour la Nomenklatura. Le capitalisme libéral a su allier les avantages des uns et des autres, quartiers réservés, paradis fiscaux, en y ajoutant les stock-options, les parachutes dorés, la privatisation des profits et la socialisation des pertes (le capitalisme sait aussi être social).


Un autre domaine où le capitalisme surpasse le communisme : la propagande des pays totalitaires est souvent simpliste. Le capitalisme, lui, ne fait pas de la propagande mais de la publicité. Il sait raconter de belles histoires par des images, des films, des actions de sponsoring, pour que chacun puisse se convaincre qu’on ne lui a pas volé son temps de cerveau disponible, mais qu’il a choisi lui-même la marque Truc ou Bidule. Et qu’il est devenu ainsi, grâce à sa paire de pompes, sa voiture ou son téléphone quelqu’un de meilleur et de plus heureux. Même si ce n’est pas vraiment le cas, la marque aide à y croire et ça calme. Évidemment, si on compare le monde décrit par la pub, et le monde réel, il reste un fâcheux décalage. Et alors ? La vie continue. En tout cas, on fait semblant, et c’est toujours ça de pris.


La publicité enseigne le vrai sens des valeurs. Elle permet à des hommes et des femmes de se hisser à la hauteur de l’image de marque de leurs souliers, de leur soda ou de leur auto. 

 

Elle entraîne aussi l’esprit humain à faire preuve d’une souplesse remarquable : capable sans changer de chaîne, de passer de la compassion pour un peuple martyr vu aux infos, à la détente apportée par une page de pub pour un nouveau parfum.

 

Grâce à la publicité, ce n’était pas gagné mais on arrive à vendre de puissants véhicules tout-terrain adaptés à la ville, deux tonnes et deux cents chevaux pour passer les ralentisseurs à 30 km/h en toute sécurité. Des véhicules presque aussi tout-terrains que des vélos, mais quand même plus classe.

 

La publicité peut même transformer le smartphone, objet électronique utilitaire, très pratique d’ailleurs, quoiqu’un peu mouchard, en objet de désir, presque de volupté (non, elle ne vous prend pas pour une pomme)


Même pour des biens de consommation basiques, la publicité sait convaincre. L’eau du robinet ne coûte rien, mais la publicité sait faire acheter de l’eau en bouteille pour venir en aide à l’industrie du plastique, tant pis si c’est lourd dans le budget et le caddie. Ça a pour effet de fortifier la musculature des consommateurs ou de leur casser le dos, et dans les deux cas, ça ajoute quelque chose au fonctionnement de l’économie.


Sincèrement : la publicité nous comble de beauté, de bienveillance, de drôlerie. À côté de ça, les informations déversent leur lot quotidien de drames, de peurs, d’angoisses. Heureusement, on a aussi l'actualité sportive, les jeux, les variétés. Mais il faut qu’on nous parle de crise, de travail, de chômage, de compétitivité, de concurrence, de réalisme. Ouf ! La publicité revient pour nous choyer. Pause pipi. La vie est belle. Les gens sont méchants. On ne sait plus. Va vite acheter une nouvelle télé plus grande, ça ira mieux. Vive le capitalisme !

 

Marx, Engels, Lénine, Staline, Mao. Ou Google, Amazon, Facebook, Apple, Microsoft ?


Reconnaissons que le communisme a su évoluer, jusqu’à fusionner le totalitarisme bureaucratique avec le capitalisme le plus pur. Les dirigeants d’un côté se réunissent à Davos, de l’autre au Bureau Central du PCC, chacun son entre-soi, et ça marche aussi bien.

 

Autre grande réussite du capitalisme : il y a cinquante ans, une grande partie de la population allait à la messe le dimanche. C’est du passé. Mais une autre religion a pris la place, celle du commerce : l’ouverture des supermarchés le dimanche est venu combler un vide existentiel. Il y a des gens qui passent plus de temps à chercher le sens de la vie qu’à dénicher la dernière promo sur Amazon. Si ces gens-là souffrent, c’est bien leur faute. Il faut qu’ils comprennent que le Père Noël, c’est juste l’employé précaire d’un grand magasin au mois de décembre, et basta !


Le capitalisme libéral défend farouchement la liberté. Liberté de circulation pour les marchandises comme pour les personnes. Liberté de circulation pour les capitaux. Avec un peu moins de liberté pour les personnes qui n’ont pas ni papiers, ni argent, mais on ne peut pas plaire à tout le monde. Surproduction de marchandises pour la clientèle solvable, pénurie de minimum vital pour les autres ? Et alors ? Ça s’équilibre. Par ailleurs, on fait de très bonnes émissions sur la misère à la télé. Il faut avouer quand même que c’est pénible tous ces gens qui font la manche dans le métro. Heureusement je ne prends pas le métro, mais on m’a raconté.


Soyons honnêtes, le capitalisme a aussi ses zones d’ombre.

 

Pis de chèvre (ne pas toucher)

Tout le monde est d’accord que c’est mal de torturer un chat ou un chien, et ça peut même mener en prison. En revanche, si vous torturez des milliers de veaux, vaches, cochons, poulets dans des élevages industriels, cela vous donne droit à des subventions de la PAC. Et ça, c’est pas bien ! En même temps, on ne va pas attenter à la liberté d’un consommateur mal informé d’avoir envie d’un BigMac. On ne fait pas d’omelette sans casser les couilles, et qui viole un bœuf viole un bœuf. De toute façon, mon cancer colorectal sera remboursé par la sécurité sociale, alors quoi ? En passant, les chaines de fast-food ont quand même su développer un truc vertueux : rendre cool l’odeur du graillon et du désinfectant, le trop-gras-trop-sucré, le suremballé, la queue aux caisses. Ils ont su faire oublier par un travail remarquable sur leur image de marque, les élevages concentrationnaires, les abattoirs cauchemardesques, l’emploi précaire et mal payé, toutes les coulisses nauséeuses de leur business. Il faut être passé par les Grandes Ecoles pour y arriver, ce n’est pas à la portée du premier zadiste venu.


Quand même, il y a des formes de discrimination qu’on ne dénonce pas assez. Tout le monde connait les Petits Frères des Pauvres, cette association de charité chrétienne pour les personnes démunies. Mais qu’est-ce qu’on fait pour les Riches ? Ils ont leurs Petits Frères, eux ?

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