Je revendique pour cette œuvre les traits essentiels de tout jeu. La symétrie, les lois arbitraires, l’ennui.
L’ennui. L’ennui est-il un mot inconvenant ? Dans un monde voué à l’efficacité, au travail comme dans le plaisir, j’ai parfois, j’ai souvent envie d’ennui. Vice jusque-là inavoué, je me délecte silencieusement, dans mon atelier de peinture, d’heures méticuleuses et patientes à élaborer des compositions énigmatiques, mais à peine énigmatiques, dont le caractère énigmatique est lui-même énigmatique. Des compositions précises, stables mais pas trop, mesurées et paisibles.
L’ennui. L’ennui comme un discret sourire, très très légèrement ironique, qui me permet durant ces longues heures invisibles de faire germer, croître et mûrir des tableaux eux aussi invisibles. Visibles, si, tout de même, aux yeux complices.
Texte : décembre 1999, exposition à l'Espace Beaujon, Paris 8e
Projet de monument à Herbert Quain, acrylique sur toile 65 x 50 cm, n°1236, 09/1999 - Coll. Cyril Toma
Nous avons vu des astres
Et des flots ; nous avons vu des
Sables aussi ;
Et malgré bien des chocs et
d’imprévus désastres
Nous nous sommes souvent
ennuyés, comme ici.