Toute personne qui parle de ressemblance en peinture est bonne à renvoyer chez les enfants.
Sou Tong-p’o (peintre lettré chinois, 1036-1101)
Ars imitatur naturam in sua operatione. L’art doit imiter la nature dans son mode opératoire.
Saint Thomas (1224-1274)
Natura potentior ars
« L’art est plus fort que la nature »
Devise du Titien (1488-1576).
Le premier, Le Titien aura affranchi la peinture des servitudes du « sujet » pour lui conférer l’autonomie qu’elle n’abandonnera plus jamais.
Daniel Huguenin, La gloire de Venise (1998)
La nature est trop pauvre pour lutter de prodiges avec l’esprit.
Shakespeare (1564-1616) Antoine et Cléopâtre.
Étrange art que la peinture qui nous fait nous émerveiller de la reproduction de choses dont l’original est dénué d’intérêt.
Pascal (1623-1662) [citation de mémoire].
Par le moyen et l’effet de la couleur, on peut donner de l’intérêt aux choses les plus vulgaires et faire un chef-d’œuvre avec un pot et des fruits.
Chardin (1699-1779)
Buffon l’a dit, le génie, c’est la patience. La patience est en effet ce qui, chez l’homme, ressemble le plus au procédé que la nature emploie dans ses créations. Qu’est-ce que l’art, Monsieur ? C’est la nature concentrée.
Balzac (1799-1850), Les illusions perdues.
L’art doit autant que possible s’écarter de la nature. La nature est monotone et banale (...) A quoi bon reproduire ce que la nature offre déjà à nos regards ? Ce travail puéril, indigne de l’esprit auquel il s’adresse, n’aboutirait qu’à lui révéler son impuissance et la vanité de ses efforts ; car la copie restera toujours au-dessous de l’original.
Baudelaire (1821-1867).
Tout artiste véritable est tributaire de la nature, même s’il est abstrait, à cause de la pulsation cosmique.
Kandinsky (1866-1944).
Le public ne connaît du charme, de la grâce, des formes de la nature que ce qu’il en a puisé dans les poncifs d’un art lentement assimilé, et un artiste original commence par rejeter ces poncifs.
Proust (1871-1922), Du côté de chez Swann.
Qu’il le veuille ou non, l’homme est l’instrument de la nature, elle lui impose son caractère, son apparence (…) On ne peut contrarier la nature. Elle est plus forte que le plus fort des hommes (...) Il ne faut pas imiter la nature, mais la façon dont elle travaille.
Picasso (1881-1973).
Le camouflage de guerre (en 14-18) a été l’œuvre des cubistes ; si l’on veut, c’était aussi leur revanche. Les seuls tableaux à qui l’opinion reprochait de ne ressembler à rien se trouvaient être, au moment du danger, les seuls qui pussent ressembler à tout. Les arbres et les feuilles venaient en témoignage : ils se reconnaissaient dans les natures mortes de Braque.
Jean Paulhan (1884-1968), Braque le patron.
Comme s’il n’y avait pas assez de réalité. Encore vouloir la répéter, y revenir.
Henri Michaux (1899-1984)
L’intelligence profonde des produits volontaires de l’art avec les formes de la nature.
Didier Semin, à propos de Michaux, Beaux-Arts 10/93
Marcel Duchamp, John Cage, Octavio Paz : il s’agit pour eux d’imiter la nature. Non pas, bien entendu, dans son apparence – effort du réalisme ingénu – mais dans son fonctionnement : utiliser le chaos, convoquer le hasard, insister sur l’imperceptible, privilégier l’inachevé. Faire alterner le fort, le viril, avec l’intermittent, le féminin. Théâtraliser l’ensemble des phénomènes. Oublier le reste. Mais le reste, il n’y en a pas.
Severo Sarduy (1937-1993).