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Dominique Dubois, révélateur

par Yves Desvaux Veeska 2 Février 2011, 18:31 L'avis d'artiste

Dominique DUBOIS - Jeux d'enfantQuel point commun entre une gourmandise appétissante, un bijou de haute joaillerie, et un austère site industriel ? La photo de Dominique Dubois.

Dominique Dubois a, de l’autodidacte, le regard singulier. Mais il a aussi acquis sa maîtrise professionnelle au fil d’une longue pratique en studio. Certes, photographier de modestes œufs ou pommes jusqu’à -pour le compte de Dior, Chaumet ou Boucheron- des bagues qui flirtent avec la centaine de milliers d’euros, ne permet pas toujours la plus grande liberté de création et d’interprétation (je me trompe peut-être). En revanche, cela impose certaines exigences dans la technique photographique, et forme le regard à une rigueur que cet artiste a su transposer dans son travail personnel.

C’est facile de faire une photo rugueuse et percutante en piochant dans le tout-venant des sites industriels que chacun peut croiser au hasard des banlieues. Le glauque est là, qui nous fait de l’œil, toujours prêt à démarrer au quart de tour avec la séduction paradoxale des choses repoussantes. Mais savoir « écrire avec la lumière, et prendre le monde extérieur comme un vaste studio » comme il le dit quelque part, voilà qui nous emmène beaucoup plus loin. Et on est prêt à le suivre.

Le suivre, mais où ? On ne sait pas, car ses photos ne sont pas localisées. Ni datées. C’est le jour, la nuit ? La réponse à cette question élémentaire est tout simplement éludée : le ciel est chaque fois remplacé par un aplat de couleur qui transforme tel viaduc autoroutier, tel entrepôt ou carrière, telle installation industrielle à l’usage obscur, en décor de théâtre. La pièce a-t-elle été jouée, le sera-t-elle ? Où sont passés les acteurs : déjà partis, pas encore arrivés ? Ou disparus ? Les questions se bousculent devant chaque photo quand on la regarde attentivement puis, devant sa rigueur formelle, cette bousculade se calme, et l’hiératisme de la composition impose son silence. Le temps est suspendu, mais impossible encore de savoir à quel niveau : présent, passé, futur ?

Les photos sont parfaitement exécutées. Aucun passant n’en trouble la construction, ni ne distrait d’un souffle humain leur caractère lisse. Une pointe d’humour ambigu les traverse clandestinement parfois, telle cette composition qui montre des jeux pour enfants, toboggans et autres cabanes aux couleurs gaies, comme surpris et gênés d’être aperçus dans leur lieu de stockage, loin des éclats de rire et des joies enfantines. Mais dans aucun sujet, il n’est aisé de déterminer clairement s’il est beau, ou curieux ; sinistre, ou juste mélancolique. Sans doute ces photos sont-elles moins démonstratives que réceptives : prêtes à capter notre humeur du moment pour l’y projeter. S’il s’agit en effet de décors de théâtre, elles n’attendent finalement que la pièce que nous jouons en nous, tout au fond de nous, à guichets fermés dans le secret de notre sensibilité. Dominique Dubois travaille en numérique, mais il y a toujours du révélateur dans ses photos.

 

Texte publié dans ARTENSION, janvier-février 2011

voir aussi : www.dominique-dubois.com

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