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1989 : Enfance.com

26 Février 2010, 16:38 ArchYves Codes d'accès aux images Ecriture Manuel de Survie pour l'Artiste Peinture

L'amour, la communication et le marketing direct.

 

Le titre d'une exposition qui s'ouvre sur le mot amour, ce mot doux, rond et rose, voilà une idée charmante. Puis l'amour est suivi (chaperonné) par la communication, et les fleurs bleues s'effacent au profit de valeurs plus consistantes. L'idée devient concept, je ne suis pas là pour faire du charme gratuitement mais pour définir une cible et l'atteindre : marketing direct. Jérôme Bosch et d'autres ont peint des «Enfers», et c'est mon sujet ici, mais un enfer contemporain.


Cet enfer, c'est le chaos et le dévoiement des images et des signes. Le trop de tout : les grands thèmes sentimentaux -la mère et l'enfant- sont indispensables pour vendre de l'acido-biphilus et de l'assurance-vie, mais je ne produis ni l'un ni l'autre : alors les peindre ne sert à rien.


Et j'en peins : pas une fois, mais deux fois, puis six fois, puis dix fois. La mère, l'enfant; mais aussi le bleu, le rouge, le jaune; et des damiers, des quadrillages, de la géométrie; et des répétitions. Pour me rappeler qu'il y a des ordres dans les couleurs et les lignes, et manifester mon désir d'ordre. Et des répétitions, parce que c'est un des clichés du vocabulaire artistique contemporain, une fonction essentielle dans la communication, la matérialisation des valeurs de production–productivité–productivisme. Et je continue à peindre, et j'ajoute au trop de tout encore plus d'images, plus de signes, plus de couleurs, plus de sentiments. Mais si j'use de sentiment, c'est pour des raisons techniques : communication, sentimentalisme technique. Et aux images j'adjoins du texte pour montrer que je sais faire la différence entre image et signe, -textes inscrits en miroir comme sur le capot des ambulances et les carnets de Léonard de Vinci. Et je greffe encore des collages pour qu'on remarque comme je sais bien trier dans les magazines les têtes d'hommes et celles des femmes, les voitures et les lippo-suceurs, cet ineffable capharnaüm des médias. Trop de tout : les rayures verticales dans le fond de telle peinture mesurent 6,7 cm de large comme la toile à store de Buren-Ies-colonnes; j'emprunte des compositions en bas à Sérusier, en haut à Poussin; les corps exposés sont, de toile en toile, les mêmes pour être reconnus, devenir familiers, comme les personnages de Tintin qu'on retrouve d'album en album. Bric-à-brac culturel.


Ainsi, comme d'autres artistes, j'ai mes manies, mes astuces que j'appelle des intentions pour me donner l'impression d'exister, de laisser une trace. Mais même quand on ne peint pas, ce besoin de marquer ce petit territoire de temps qu'est une vie existe toujours. La peinture est simplement une manière de s'y attaquer.

 

Mai 1989

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