Soudain quelque chose finit. J’ai aimé faire ces peintures, les regarder et les montrer. Aujourd’hui j’arrête. Je me mets en jachère. Je choisis de consacrer de précieux jours, de précieuses semaines, des mois de vie à les quitter.
Elles m’ont beaucoup apporté, et c’est pour cela que je leur consacre ce petit recueil. Qu’il ne soit pas dit que j’abandonne mon travail au bord du chemin en m’en désintéressant.
Certaines de ces peintures ont déjà rencontré un amateur pour les adopter, et participent de la vie d’une maison. D’autres dorment dans mes réserves et attendent encore d’habiter quelque part. Chez vous peut-être, ou chez votre voisin.
Aujourd’hui, je pense un peu, de loin, à des peintures à venir. Je travaille lentement, en silence, comme une terre hivernale loin du printemps. J’essaie de préserver mon carré de jardin des mauvaises herbes que sont le souci de produire, de plaire, de vendre. Notre monde est déjà plein de marchandises et de stratégies pour les écouler, alors je reste circonspect avant d’en rajouter.
Cette difficulté de se retenir de produire, d’exposer, de vendre, difficulté à la fois matérielle et existentielle (tout de suite les grands mots), ne m’apportera peut-être rien sur aucun plan. On ne peut pas avoir le non-beurre et le non-argent du non-beurre. Mais de la décrire me procure déjà un certain amusement, une agréable légèreté et ça tombe bien, c’est juste dans cette direction-là que je voudrais aller.
Texte : 11 octobre 2001, post-scriptum au livre « Exercices spirituels, peinture et écriture »
Jachère
Après un an de jachère, j’y suis toujours. Travaillant avec la même lenteur militante, passant de la peinture à l’écriture, des expositions aux éditions, de la pratique à l’enseignement… avec quelques longs détours par les aspects non artistiques de la vie. Je constate une permanence certaine dans ce que je crois, ce que j’aime, en dépit de tous les imprévus de l’existence. De ce fait, ce que je produis ne change pas de manière évidente. Après tout, le jour succède à la nuit, le printemps à l’hiver, tout ça n’est pas très original. Mais c’est bien. Alors pourquoi vouloir autre chose ?
1er novembre 2002, 2e post-scriptum au livre « Exercices spirituels, peinture et écriture »