Mes peintures, j’espère que vous viendrez les voir. Mais je les ai faites pour qui ? Pour quoi ? Je le sais et je ne le sais pas. Je sais que je les ai faites dans l’espoir de déclencher, chez une personne au moins, le bonheur que j’éprouve quand vient mon tour d’être spectateur. Souvent, devant cette lumière, cette chaleur, cette joie que m’apporte un livre, une musique, je me dis : moi aussi, en tant qu’artiste, je voudrais pouvoir en donner autant, créer aussi de ce bonheur que cet artiste-là m’a donné. Bonheur pas dans le sens mièvre : dans le sens d’accéder soudain à quelque chose qui nous fait nous sentir plus humain. Moins poussière indifférente dans le cosmos. Rien que ça.
Je les ai faites pour où, ces peintures ? Je les ai faites pour des maisons. Pour qu’elles soient des peintures de compagnie, et accueillantes. Images fixes et paisibles, compagnes amicales et discrètes qui permettent à l’esprit de s’arrêter, se reposer, se livrer à la contemplation. La contemplation, c’est le regard à l’abri de l’agression, de l’indifférence et du racolage. C’est le regard libre et léger.
Je les ai faites pour cela, mes peintures. Qu’une seule d’elle touche une seule personne et j’aurai déjà eu raison d’être peintre.
3 décembre 2002 au 4 janvier 2003, exposition à la Galerie Maurice Ravel, Paris 12e.