Elle apporte ce qu’à d’autres la philosophie, la prière, le yoga ou les jeux télévisés apportent. Un intrus s’est glissé dans cette phrase.
À travers une technique qui met en jeu des outils, une matière bien physique, la peinture conduit à des interrogations pas seulement matérielles toutes nues, mais aussi : comment voir le monde ? Comment composer avec ? Se le représenter ? Quelles relations a t-on avec le réel, ce voisin parfois un peu lourd ? Ces questions ne sont pas posées dans le flux d’une vie déjà encombrée par les problèmes de cœur, d’argent ou de stationnement. Non. En peinture, on a seulement des petites surfaces souvent blanches à occuper d’une manière ou l’autre en cherchant à se faire le maximum de bien avec.
Les techniques de la peinture permettent ainsi de philosopher sa vie de manière implicite, chacun les étudie et les pratique selon son histoire personnelle. Au lieu de se perdre dans des idées nébuleuses, on s’attache à composer quelque chose de mesuré. Par exemple, je cherche aujourd’hui, en manipulant des matières, des formes, en jouant du geste et du regard, à faire des images qui sans rien me dire silencieusement m’apaisent. Qui, jour après jour, dessinent le lieu idéal où je veux vivre. Un lieu avec assez de rayonnement pour donner envie à des personnes amicales de venir voir. Pour qu’elles retrouvent dans mes tableaux le bien qu’ils me font.
Texte : décembre 1994, présentation d'une exposition à Saint-Mandé.
Alphabet de fenêtre, acrylique sur toile 92 x 65 cm, n°0815, 10/1994 - Coll. Martine Gerdil