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Eve Adam 47 - Donner le change

par Hélène Grenier 21 Mars 2025, 11:11 Ecriture Atelier d'écriture Hélène Grenier Autofiction

Des enfants, qui, pour survivre portent un masque derrière lequel ils dissimulent l’abîme qui les habite, le vide qui les aspire, la case qui leur manque, le manque qui les dévore et qui, au fil du temps, ne sait même plus de quoi il est le manque car le manque devient leur être même. Jusqu’à s’inventer une personnalité tantôt sympathique, tantôt insensible, dans tous les cas fabriquée par leur difficulté à exister par eux-mêmes puisqu’ils ne sont là pour personne.

Grégoire Bouillier, Le cœur ne cède pas, 2022

Suite du journal d'Eve Adam, en réalité Christine Adam, écrivant sous le pseudonyme d'Hélène Grenier.

Introduction

Tous les épisodes (du dernier au premier)

Fatigue


Une histoire pas drôle, l’histoire d’une mère de famille qui a été une enfant, une mère pas franchement mauvaise, capable d’avoir de l’esprit, avec même des qualités humaines. Mais son boulot, ça ne marche pas très fort. Un coup particulièrement sournois vient compromettre le bref oubli de sa fragilité. Ça tombe juste à la fin d’une période de travail compliquée, ce genre de travail qu’il faut mener avec des gens qui attendent beaucoup de vous, qui attendent même que vous ayez l’air détendue. Aïe, aïe, aïe. Beaucoup de fatigue chez cette jeune femme. Et tout ça ne lui rapporte pas grand-chose. Simplement le droit de se serrer la ceinture mais c’est pas grave. Juste plus gênant quand c’est la ceinture de sa petite famille et que ça coince. Cette pauvrette n’est peut-être pas complètement mauvaise, mais elle ne gagne pas assez. Il existe une solution à ce problème : choisir une bonne assurance-vie et débarrasser le plancher discrètement, pour ne laisser que de bons souvenirs et une bonne rente. Quelques heures plus tard, sans se relire (elle se raconte) quelques heures de plus, fatigue, chaleur et honte, hmmm, quel bon goût âcre ou amer,  poisseux, poussif au creux d’un univers mesquin mais solidement ficelé… Faiblesse, il me manque une pelle pour pelleter ça, remuer la poussière pour que tout retombe en mots… pour n’être… mots simplement expectorés pour se dégager, tas d’adjectifs immâchables qui pullulent et m’encombrent, écœurement des allitérations faciles. Stop. Mains sales sur papier blanc, mots vidés de leur… pour faire semblant de dire… Sachant tout, toute petite. Fatigue tout simplement une tartine de fatigue.

 

Le même jour :

 

Bisous

 

Sylvain chéri, la petite musique de ta lettre, ce bonheur tranquille que tu me décris, les joues roses de Victor, ses histoires qu’il te raconte, tes courses avec Bérénice, Élie entre les deux... Toi sur la plage avec Deborah, ou lisant le Monde... Je suis heureux à l’idée de te retrouver reposé, ragaillardi par ces bons moments avec nos enfants.


Ici mon deuxième atelier d’écriture se déroule bien, avec en plus des neuf personnes présentes un chat, et un chien montagnard des Pyrénées de soixante-douze kilos. Belle bête. Mais je commence à comprendre pourquoi, malgré le plaisir, et la maîtrise que j’ai acquise pour conduire ces ateliers, je reviens si fatiguée. Je sers un peu de paratonnerre, de point de rencontre et d’absorption de toutes les tensions positives et négatives suscitées par tout groupe. Et si j’ai un beau rôle, un bon public, quand je sors de là, c’est après avoir passé quinze jours en responsable à la fois des fonctionnements créatif, matériel, et psychologique d’un groupe en continu, sans « chez moi » le soir, toute seule et sans filet. Pour que tout paraisse couler de source, avec en plus du piquant, je n’économise rien de mes capacités professionnelles et humaines, et je comprends alors, après, l’expression « recharger ses batteries ».


Métier difficile mais que je suis plutôt contente de savoir-faire. On a les satisfactions qu’on peut.

 

J’ai rêvé de toi cette nuit, rêve qui m’a laissée perplexe toute la journée.


Bisous à vous quatre, 


Eve

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