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Eve Adam 46 - Abstention de l’hommage

par Hélène Grenier 4 Mars 2025, 17:40 Ecriture Hélène Grenier Atelier d'écriture Autofiction

L’admiration passionnée que tu portes à ces écrivains qui t’ont subjugué, parfois aidé à trouver ta voie. Que dire après eux ? Qu’ajouter à ce qu’ils ont su si bien exprimer ? Chacune de leurs pages t’a renvoyé à ta médiocrité. T’abstenir d’écrire serait une manière de leur rendre hommage.

Charles Juliet, Lambeaux (1995)

 

Suite du journal d'Eve Adam, en réalité Christine Adam, écrivant sous le pseudonyme d'Hélène Grenier.

Introduction

Tous les épisodes (du dernier au premier)

Apprendre la nage

Une envie éreintante d’écrire, après avoir tourné dans ma tête des lambeaux et des lambeaux de phrases, une charpie de pensée qui se déchire chaque fois sur la peur de commencer encore quelque chose d’inutile ou d’étroit. Des mots qui s’égrènent aussi anonymes que les crottes dures ou molles de chaque jour.


Je noircis du papier comme des milliers d’autres avant moi, après moi et au même moment. Et comme toutes celles-là, ou ceux-là, je connais l’oppression de l’impuissance. Je me le dis, je me l’écris, comme quelqu’un qui se noie se débat malgré tout. Il faut que je barbote ainsi pour contribuer à faire vivre ma famille, avec Sylvain qui fait ce qu’il peut, nous devons faire plus que retarder la noyade, nous devons arriver à traverser notre temps de vie et apprendre la nage à nos enfants. 
 

Pour la postérité

Un classeur rempli de feuilles volantes, qui pourrait ressembler à des archives de sécurité sociale. Écrit au marqueur sur la toile beige : " Pour la postérité ". Cela se veut ironique, mais c’est quelque chose d’encombrant et de très laid, la somme inharmonieuse d’intentions hétérogènes qui ne révèlent rien (ou si peu) de personne, des intentions qui n’ont pas de destinataires. J’ai raturé, reraturé une grande partie de mon manuscrit pour tenter de lui donner une cohérence, mais ma cohérence n’est pas intéressante. Et après ce labeur machinal et lourd, l’inintérêt persiste bien sûr, mais pas non plus à l’abri de susciter un malaise, celui que produiraient des mensonges mesquins facilement dévoilés. Mensonges de relations fausses où personne ne s’est livré, car c’est trop dangereux, je le sais, mais j’ai essayé quand même. J’ai pensé aller jusqu’à tout raturer et doublement raturer de la première à la dernière page, pour transformer ce manuscrit en objet graphique quasi abstrait, conceptuel, mais je ne suis pas assez dupe de moi-même, pas assez belle ni intelligente pour tenter l’expérience puis en faire la promotion. Et puis d’autres l’ont peut-être déjà fait et je ne suis tout simplement pas au courant.


Au temps des peintres pompiers, il fallait faire du " Beau " selon l’idée que s’en faisait l’establishment de l’époque. Ensuite, après Duchamp, il a fallu faire de " l’intelligent ", toujours selon l’idée que s’en faisait l’establishment du moment. Et aujourd’hui : il faut faire du buzz ?
 

Surpopulation

Des milliers. Des dizaines de milliers. Surpopulation, famine. Mais des dizaines de milliers de quoi ? Des dizaines de milliers d’écrivaines et d'écrivains. C’est de leur faute aussi. Tous ces gens qui cultivent leur petit narcissisme en romans ou autofictions pas forcément bouleversantes. Les écrivains sont aussi indispensables que les agriculteurs ou les boulangers, les garagistes, les médecins, ou les banquiers. Et comme dans ces professions, certains ont plus de talent que d’autres. Mais leur problème, c’est qu’on peut facilement se passer d’eux au quotidien. Et qu’ils ont intérêt à produire aussi des choses qui se mangent, qui soignent, qui dépannent ou qui comptent.
 

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