« Un faux équivaut à une œuvre originale car ce qui définit une œuvre, ce n’est pas la main qui l’a peinte mais la manière dont elle structure les différentes parties ». Cette déclaration d’Arthur Gianotti, professeur à la faculté de philosophie de São Paulo, est reprise par Fabrice Bousteau, dans un éditorial pour Beaux Arts magazine. Et le journaliste de conclure (ironiquement ?) : « plutôt que de dépenser des millions chez Christie’s pour vous acheter un ready-made de Duchamp, achetez plutôt une roue de bicyclette et un tabouret. »
On peut aussi faire l’expérience de déplacer un tel ready-made du musée où il est exposé vers un débarras, et il disparaît. On peut également reproduire des tableaux de Mondrian, de Malevitch et de quelques autres, et ce sera plus simple à imiter qu’un Raphaël ou un Vélasquez. L’effet de l’œuvre sera la même si vous mettez la copie dans un musée sans indiquer qu’il s’agit d’une copie. Enfin, si l’on possède un « Carré blanc sur fond blanc » de Malevitch, et qu’on le donne sans commentaires ni certificat à une personne surendettée, elle ne saura ni ne pourra négocier l’œuvre à son prix pour se tirer d’affaire.
Qu’est-ce qu’une œuvre d’art ? Qu’est-ce qu’un vrai ? Qu’est-ce qu’un faux ? Qu’est-ce que le prix d’une œuvre ? La valeur de bien des œuvres d’art, leur cote, ne ressemble-t-elle pas à celle de ces « actifs toxiques » qui ont contaminé toute l’économie de la planète, après avoir généré une croissance artificielle de richesses démesurées autant qu’illusoires, au côté de misères bien réelles, culturelles autant que matérielles ?
Le vrai art est là où on ne l'attend pas, où personne ne pense à lui ni ne prononce son nom. Il se sauve aussitôt.