Monsieur Olivier Maillet, concepteur, metteur en scène, musicien, connu pour son talent et son discernement universels, va faire jouer par les comédiens de Maillet et Cie, sous le titre Général de "C'est la guerre", des textes de Brassens, Calaferte, Céline, Charb, Desproges, Devos, Dick Annegarn, Fabcaro, Francis Blanche, Gainsbourg, Kubrick, Prévert, Didier Super, Boris Vian...
Et même deux textes d'Yves Desvaux Veeska :
- Touche pas à mon froc
- Téléachat au Salon des Arts Militaires
C’EST LA GUERRE dimanche 3 décembre à 15 h
Péniche Grande Fantaisie
3 quai de l'Oise 75019 Paris
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Touche pas à mon froc
Le journaliste
- Notre cher PDG ! Monsieur le Président Dictateur Général, nous sommes heureux, et fiers, de vous recevoir dans notre émission spéciale "Touche pas à mon froc" où vous allez nous faire l’honneur de nous enculer une fois de plus. Et d’abord notre première question : à quel âge avez-vous eu envie de devenir ce personnage arrogant, cynique, brutal, et démagogue que nous sommes terrorisés mais ravis quand même d’accueillir aujourd’hui sur notre plateau. Et tellement con-vain-cus de votre valeur, et si sensible à la résonance de notre connerie avec la vôtre.
Le PDG
- Tout bébé déjà, j’aimais la merde, et c’est pourquoi j’aime le titre de votre émission. Car c’est exactement ça que je criais déjà à la face du monde quand on voulait changer ma couche : Touche pas à mon froc ! Ma conviction aujourd’hui encore, c’est que quand on est merdeux, il faut avoir le courage, le vrai courage, celui de ne rien changer, pas même une couche, et, je ne crains pas de le dire, avoir même l’audace d’être puant. À l’heure du politiquement correct et du droit-de-l’hommisme, ce n’est pas si facile.
Le journaliste
- On vous comprend. C’est très émouvant, ce que vous nous racontez là, ça nous prend aux tripes.
Le PDG
- Oui, j’en ai chié tout petit, mais surtout très tôt, j’ai su faire chier les autres. « Tu vas nous foutre la paix ! » La paix ? La paix ! J’ai entendu ça tant de fois. C’est vrai, mes parents étaient aimants : ils aimaient leur IPhone, leur 4X4, leurs barbelés et leurs tessons de verre sur les murs de notre jardin. Beaucoup d’amour. Mon premier cadeau de Noël : une matraque ! Avec laquelle mon papa m’a appris à écraser des mouches sur les vitres. Ah ! J’en ai cassé des carreaux ! Après on a mis des barreaux aux fenêtres, c’était joli.
Le journaliste
- Vous aimez partager aussi : la matraque aujourd’hui, grâce à vous, est devenue un objet familier et très tendance.
Le PDG
- Le début d’une belle aventure. Après on a eu les lacrymos, les canons à eau, les LBD, les grenades de désencerclement, toutes ces belles inventions qui font rêver.
Le journaliste
- Des yeux crevés, des mains arrachées, quand on pense à tous ces gens qui ne sont rien et qui, grâce à vous, sont passés à la télé !
Le PDG
- Mais encore aujourd’hui dans beaucoup de pays, on n’est pas libre. Si vous découpez un journaliste en petits morceaux comme en Arabie Saoudite, on vous montre du doigt pendant au moins six mois. Pour un simple journaliste ! Quand vous bombardez, à vos frais, un pays pour instaurer la démocratie, il y a des bisounours qui s’offusquent. Quand vous vendez des armes pour combattre, combattre le chômage en fait, on voudrait qu’elles ne servent pas ? Quand vous vous fatiguez à exproprier des populations, dans des coins paumés de la planète où personne n’a envie de passer ses vacances, pour de simples puits de pétrole, il se trouve toujours une poignée d’écoterroristes pour faire chier.
Le journaliste
- Quels hypocrites !
Le PDG
- Mon cher ami, je dois maintenant vous remercier de m’avoir accordé cette première exclusivité sur cette belle chaîne de télévision que je viens tout juste d’acheter, et merci, merci ! de m’avoir débarrassé de tous ces pseudos journalistes, pseudos intellectuels, absolument in-ca-pables de penser comme vous, et surtout comme moi.
Le journaliste
- Merci patron ! Mais euh, nous n’avons pas encore abordé, euh, la guerre Israël-Hamas, la guerre en Ukraine, la guerre en…
Le PDG
Ah ouais putain, y’a encore ça. Bon, on verra après. MAINTENANT, C’EST L’HEURE DE LA PUB. ROMPEZ !
Le journaliste
… Et aussi, la météo...
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Téléachat au Salon des Arts Militaires
(Illustrations de Lionel Avezou)
Vendeur 1 :
La guerre c’est bien, mais ça a aussi un coût, et il faut bien réfléchir avant de se lancer.
Vendeur 2 :
Ça coûte plus cher, bien plus cher, qu’une cuisine équipée par exemple.
Vendeur 3 :
Au rayon avion de chasse. Si vous avez envie de vous offrir le dernier modèle américain, F-22 Raptor, comptez 350 millions de dollars l’unité.
Vendeur 4 :
En même temps, c’est mieux de les acheter au moins par 2, pour qu’ils ne s’ennuient pas.
Vendeur 2 :
Si cela vous parait trop cher, nous avons le Rafale de chez Dassault à 74 millions de dollars. Seulement.
Vendeur 5 :
Et le coût d’une heure de vol ne dépasse pas les 39000 €.
Vendeur 6 :
Si vous préférez les croisières, le prix d’un missile de croisière varie de 1,4 à 2,8 millions de dollars ou d’euros, ça dépend du modèle.
Vendeur 7 :
Et vous pouvez en une seule frappe détruire au minimum une école ou un hôpital.
Vendeur 1 :
Alors qu’avec de simples obus de mortier, moins chers à l’achat, les résultats seront là, oui, mais il ne faudra pas être pressé.
Vendeur 6 :
Si vous aimez les défilés de chars, prévoyez pour un M1 Abrams, 8,92 millions de dollars, pour un T-90 russe, environ 4,5 millions de dollars. Mais pour un défilé, il va vous falloir en acheter plusieurs.
Vendeur 4 :
Et n’oubliez pas non plus : le prix unitaire d’une munition pour char d’assaut M829A4 est d’environ 10000 dollars, et vous allez devoir en acquérir plus d’une.
Vendeur 5 :
Parce qu’un char sans munition, c’est comme... un œuf à la coque sans mouillette.
Vendeur 7 :
Bon, on a aussi des cartes de fidélité.
Vendeur 3 :
Dernier point : le renseignement. Votre moteur de recherche habituel ne vas pas suffire. Par exemple, les États-Unis ont dépensé 23 milliards de dollars en 2021. Est-ce que vos économies vont suffire ?
Vendeur 1 :
C’est grisant la guerre. Adrénaline !
Vendeur 7 :
Testostérone !
Vendeur 3 :
Mais il y a aussi ce côté chiant : compter, toujours compter.
Vendeur 6 :
À la place, vous ne voulez pas une cuisine équipée finalement ?