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Eve Adam - 39 - Eve, les femmes et le mari

par Hélène Grenier 29 Mars 2023, 09:15 Ecriture Hélène Grenier Atelier d'écriture Autofiction

Autrefois les êtres humains ne naissaient pas homme ou femme, mais homme/homme, homme/femme ou femme/femme. Autrement dit, il fallait réunir deux personnes d’aujourd’hui pour en faire une seule. Tout le monde était satisfait comme ça, et la vie se déroulait paisiblement. Mais Dieu a pris une épée et a coupé tous les êtres en deux bien nettement, par le milieu. Résultat : il y a eu des hommes et des femmes, et les gens se sont mis à courir dans tous les sens à la recherche de leur moitié perdue.

Dans Le Banquet, de Platon, cité par Haruki Murakami, Kafka sur le rivage, 2003.

Suite des aventures sentimentales (et sociétales ?) d'Eve Adam, en réalité Christine Adam, écrivant sous le pseudonyme d'Hélène Grenier.

 

 

Eté 1984


Je me souviens des deux dernières amourettes de vacances avant Sylvain, au cours des semaines précédentes. Leur nom à chacune entretient curieusement un rapport sur le thème : Eve et les femmes.


La première s’appelle Sylvie Compagne. Donc elle s’appelle Sylvie, et ça s’approche de Sylvain, mais elle n’a pas été ma compagne. L’autre s’appelle Lucie Caudry. Lucie, quand mon premier copain s’appelait Luc, et Caudry, presque Gaudry mais pas encore. 


Sylvie Compagne est vraiment la pure amourette de vacances, clairement pour elle autant que pour moi. Mais avec Lucie Caudry, c’est plus délicat. Lucie vient de se faire quitter par son amoureuse et elle en est bouleversée. Tout de suite, elle me surinvestit à mon corps défendant : je suis censée être enfin sa bonne étoile.


Sophie est une jolie petite brune vive et très sensuelle. Catherine, une plantureuse auburn d’ascendance italienne, à l’épaisse chevelure bouclée, au corps bien rond et ferme. Quand nous faisons l’amour, elle a quelque chose de très spécial : elle hurle de plaisir. Je me souviens que nous avions pour voisine de chambre une amie, Solange, et j’étais gênée pour elle. Et en même temps, je me disais : nous devons passer pour des amantes fantastiques.


Je me souviens du coup de fil, vers le mois de septembre, où j’ai annoncé à Lucie que nous ne nous reverrions plus. Elle avait dressé plein de plans sur la comète avec moi, mais sans me demander mon avis. On ne s’était pas revues depuis cette semaine de juillet, juste avant la rencontre avec Sylvain. J’appelle depuis le téléphone dans la chambre de mes parents à Saint-Avray, car ceux-ci, en vacances, m’ont confié les lieux où je loge provisoirement avec Sylvain. Au téléphone, Lucie hurle de douleur ou de dépit, je laisse passer l’orage et attend qu’elle me raccroche au nez, ce qu’elle finit par faire.


Dans cette période, Luc, mon premier petit copain, m’ a rendu visite en l’absence de Sylvain. À ma grande surprise et petite déception, car je le croyais plus fin, il semble convaincu d’être toujours irrésistible. Je reste de glace avec lui et il s’en va piteusement, j’ai même un peu pitié de lui, un peu honte de moi. Mais je suis sûre d’avoir changé, d’être décidée à vivre ce que j’imagine une vie normale, la vie d’une femme en couple stable avec un homme.


Encore un souvenir avant mon entrée dans quatorze ans de fidélité. Sylvain a dû repartir chez lui dans le nord pour annoncer à sa mère du nouveau dans ses plans. Sa mère est toute contente de lui montrer la place qu’elle a fait aménager dans son garage pour sa voiture quand il lui rend visite. Mais Sylvain lui annonce qu’il s’installe avec une femme à Paris, et qu’il a trouvé un nouveau poste à La Défense. De mon côté, pendant que Sylvain est chez sa mère, je vis en spectatrice une scène très haute température : la troublante parade d’une jeune antillaise, Joséphine Robinet, inscrite à un stage de danse à Ardaven. Lors d’un spectacle, elle m’enflamme d’œillades comminatoires, ou trémousse son cul sous mon nez avec une ostentation difficile à soutenir. Mais, tout en regrettant, je résiste en pensant à Sylvain. Choisir, c’est renoncer.

Episode 38 : Rencontre, mariage, divorce all inclusive
Épisode 40 : Ça va bien se passer

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