
Pour beaucoup d’autres, Dieu n’existe pas, c’est tout aussi évident.
Pour beaucoup d’autres enfin, comme moi, peut-être bien que oui, peut-être bien que non.
Un premier problème : il est déjà difficile de s’entendre sur ce qui signifie ce mot, cette idée, cette pensée, cette croyance, cette foi, cela qui s’écrit « Dieu » en français et de quantité d’autres manières dans des centaines d’autres langues.
Un deuxième problème : il y a beaucoup de religions différentes.
Un troisième problème : chaque tenant d’une religion est intimement convaincu que c’est son Dieu qui existe, sa foi qui est la vraie foi, son livre sacré qui est le bon, et les autres sont dans l’erreur.
Un quatrième problème, c’est l’idée que se font de Dieu un grand nombre de croyants, une idée qui ressemble furieusement à une belle collection de préjugés et de névroses venus de la nuit des temps.
Un Dieu qui, comme eux, serait misogyne, homophobe, sectaire, susceptible, maniaque, avide de pouvoir.
Misogynie. À noter qu’il n’est nul besoin d’être croyant pour être misogyne : les indifférents ou les athées savent l’être aussi. Certains musulmans exigent que la femme soit cachée sous un voile ; en occident on l’exhibe dans la pub, mais seulement la femme jeune, mince et belle, les autres sont priées de ne pas se faire remarquer.
Les catholiques, eux, voilent leurs femmes d’une manière différente : pas avec un bout de tissu, mais en les écartant de toutes les places essentielles de leur église : ni prêtre, ni évêque, ni cardinal, ni pape.
Homophobie : il y a toujours eu une proportion minoritaire d’homosexuels dans toute société. Les religions considèrent en général que l’homosexualité est contre nature. C’est une opinion, mais pas un fait. Le sexe sert à la reproduction, mais aussi à la relation, à l’affection, au plaisir partagé. Est-ce que, parce qu’elle ne permet pas la reproduction, l’homosexualité, est contre nature ? Dans ce cas, il faudrait aussi considérer que les couples infertiles, ou plus âgés, sont contre nature, et leur interdire également toute relation. Je trouve malsain et cruel de contester à des personnes homosexuelles le droit à une vie affective et sexuelle. Malsain parce qu’une société ne va pas mieux si une partie de sa population ne peut connaître l’amour et le plaisir qu’en se cachant.
Sectarisme : les musulmans chiites font la guerre aux musulmans sunnites, les évangéliques dénigrent les catholiques et s’efforcent de leur prendre des parts de marché, les hindouistes ou les bouddhistes persécutent les musulmans, les pays musulmans ne tolèrent pas les autres religions chez eux, etc, etc. Chez les athées ou les indifférents, on n’est pas en reste : hier les querelles entre staliniens, trotskystes, maoïstes, avec des sous-querelles à l’intérieur de chaque tendance. Aujourd’hui, les partisans d’Apple contre ceux de Samsung, etc. Bref, inutile de croire en Dieu pour être sectaire, mais ça n’empêche pas non plus.
Susceptibilité : une mère de famille chrétienne, Asia Bibi au Pakistan est condamnée à mort pour avoir été accusée de blasphème (elle a bu de l’eau à un puits réservé aux musulmans.) Des musulmans français, en 2015, on assassiné douze journalistes qu’ils accusaient de blasphème. Salman Rushdie, écrivain britannique d’origine indienne, est l’objet en 1989 d’une fatwa de la part de Khomeini, dirigeant politico-religieux iranien, fatwa qui a déjà causé des dizaines de morts et blessés, dont deux de ses traducteurs, un de ses éditeurs. Personnellement, je pense que Dieu, s’il existe, n’a pas la susceptibilité meurtrière de ceux qui agissent en son nom. Le véritable blasphème est pire que des mots, des livres ou des dessins : ce sont les meurtres que l’on commet en Son Nom (je ne mets pas de majuscules à meurtre).
Maniaquerie : les règles alimentaires dans la religion juive sont si bizarres et compliquées (mais avec leur logique), que les lire me laisse… incrédule. D’autres règles sont aussi curieuses : « La Torah interdit de raser au rasoir les cheveux des coins du visage, coutume idolâtre. Les juifs observant méticuleusement cet interdit, refusent de toucher même avec des ciseaux aux deux coins supérieurs de leur chevelure, d’où les papillotes (…) Le Talmud interdit pratiquement toute activité de travail pendant le Shabbat et recense trente-neuf activités prohibées : cuisiner, saler les aliments, écrire, éteindre un feu, transporter un objet d’un domaine privé à un domaine public, activer/désactiver un dispositif électrique, etc. »
Chaque religion a développé ainsi des règles en relation avec les préjugés de temps anciens, ou des motifs sanitaires devenus obsolètes, et qui sont maintenus par la force de l’habitude déguisée en tradition. Cela fait penser au phénomène des T.O.C., et là, ce n’est pas un individu qui en est atteint, mais toute une population.
Avidité pour le pouvoir et/ou l’argent. Les manigances de la Curie autour des Papes, l’accumulation compulsive de fortunes par les évangéliques tenants de « L’Evangile de la Prospérité », les tyrannies des mollahs iraniens ou des émirs, rois ou dirigeants arabes, les délires d’un moine bouddhiste birman, le fanatisme nationaliste de politiciens hindous, l’emprise des religieux sur la démocratie israélienne : chaque religion a son lot de psychopathes du pouvoir.
Et chaque religion a aussi des adeptes bienveillants, ni agressifs ni même condescendants avec les personnes ne partageant pas leurs croyances.
On entend souvent : Dieu est amour. Mais c’est peut-être l’inverse, soit l’Amour qui est Dieu. Les bienfaits ou les méfaits commis par des croyants, qui ne se distinguent pas de ceux que peuvent commettre les incroyants, m’incitent penser que l’amour et la miséricorde peuvent se pratiquer que l’on soit croyant ou pas. Un incroyant qui aime et prend soin de son prochain est un croyant qui s’ignore, son Dieu est l’Amour. Et inversement, un croyant agressif et sectaire est un athée sans le savoir.
On entend aussi : Dieu est tout puissant. Mais les catastrophes naturelles, les maladies qui touchent des enfants innocents ? Les croyants ont toujours des explications à cela, mais jamais très limpides. Je ne pense pas que Dieu soit tout puissant, mais plutôt que « Dieu » signifie « Bien » et « Diable » signifie « Mal ». Après, chaque religion, chaque peuple, s’est bâti de magnifiques récits malheureusement rigidifiés en dogmes, pour tenter de donner un sens à cette lutte éternelle du Bien et du Mal, du malheur et du bonheur, de la joie et de la tristesse.
Je suis croyant. J’adore l’amour, la joie.
La joie entraîne l’homme vers plus de perfection. (Spinoza)
Et il m’arrive malheureusement très bien de ne pas savoir aimer, d’être triste. Au Moyen-âge, j’ai lu que la tristesse était l’un des sept péchés capitaux. Au moins je n’ai jamais promis l’enfer à celui qui ne pense pas comme moi. Ni tué personne, pas même moi.
Penser à Dieu c'est désobéir à Dieu car Dieu a voulu que nous ne le connaissions pas, aussi à nous ne s’est-il pas montré... Soyons simples et calmes comme les ruisseaux et les arbres, et Dieu nous aimera, nous rendant beaux comme les arbres et les ruisseaux, et il nous donnera la verdeur de son printemps et un fleuve où nous jeter lorsque viendra la fin.